• Contribution du LARATES* dans la détection de l’explosif utilisé lors de l’attentat du 16 Mai 2003

    Le triacétone triperoxyde TATP est un explosif utilisé de nombreuses fois dans les attentats terroristes. Sa recherche en  postexplosion est très peu décrite dans la littérature. Le présent travail propose une méthode simple pour la mise en évidence de traces de TATP dans des débris d'explosion par analyse GS/MS de leur espace de tête.
    Le contrôle des zones de chauffage a permis l'amélioration de la sensibilité et la détection de teneurs de l'ordre de 0,1 ng.
    Maroc-Casablanca-Attentat-16 mai 2003

    INTRODUCTION

    Le peroxyde d'acétone trimère (TATP) est cité parmi les substances explosives occasionnelles, responsables de plusieurs explosions accidentelles; il est aussi connu comme explosif artisanal utilisé dans des attentats terroristes grâce à la disponibilité de ses précurseurs, à la facilité de sa préparation et pour son caractère brisant (vitesse de détonation du trimère 3060 m/s). Sa mise en oeuvre a été décrite dans des actes terroristes aux Etats Unis et en Israël et plus récemment il a été utilisé dans les attentats du 16 mai à Casablanca au Maroc. Il se prépare par action de l'eau oxygénée et de l'acide sulfurique sur l'acétone. Cette réaction donne naissance à deux peroxydes cycliques dont le produit majoritaire est le peroxyde trimère 1, qui fond à 98 °C à côté de traces de peroxyde dimère II, qui fond à 132 °C. Ce sont des corps cristallisés, insolubles dans l'eau, solubles dans l'acétone et qui explosent avec violence par chauffage brusque, choc, frottement, ou électrisation quand ils sont secs.
    La recherche de traces de TATP dans les résidus post explosion se heurte souvent à des difficultés dans les procédures d'extraction et d'analyse.
    Excepté, les travaux de Tamiri qui préconisent le prélèvement de vapeurs sur les lieux d'explosion à l'aide des résines Amberlite XAD- 7 ou Tenax, leur solubilisation dans CS2 et analyse en GC/MS, les rares études publiées à ce sujet mettent en oeuvre des techniques lourdes pour la caractérisation du TATP comme la spectrométrie de résonance magnétique nucléaire et la spectrophotométrie infrarouge ou encore des techniques classiques tels que les tests colorimétriques et la chromatographie sur couches minces.
    Plus récemment, une nouvelle méthode de détection du produit par chromatographie liquide en phase inverse a été décrite. Toutefois, ces travaux nécessitent une mise en solution et extraction souvent lentes à mettre en place.
    La présente étude vise la détection de traces de TATP directement sur les résidus d'explosion conditionnés à 90° C et analysés au moyen de la GC/MS en mode espace de tête. Cette technique présente l'avantage d'être rapide, simple et s'affranchit des étapes d'extraction et concentration de solvants.

    ETUDE EXPÉRIMENTALE

    Echantillonnage

    Dans le cadre des investigations techniques menées consécutivement aux explosions qui ont secoué le 16 mai 2003 la ville de Casablanca, le laboratoire -LARATES- de la Gendarmerie Royale de Rabat s'est chargé de l'expertise chimique des prélèvements réalisés sur les lieux sinistrés. Il s'agit principalement de débris de carrelage, de terre, bois, verre, tissu, métal… .
    Les prélèvements sont d'abord triés selon leur nature physique et placés ensuite dans des bocaux en verre de 850 ml fermés hermétiquement. Pour les objets non transportables, des prélèvements sur site sont réalisés à l'aide de frottis au coton hydrophile sec de qualité analytique ou par brossage avec un pinceau à poils durs et la même procédure de conservation est adoptée.
    Matériel d'analyse Les bocaux en verre sont chauffés à 90 °C pendant 30 min et un volume de 1000 μl d'espace de tête est prélevé à l'aide d'une seringue à gaz puis injecté en GC/MS à trappe d’ions (Saturn 2200 Varian) dans une colonne capillaire CPSiI 8 CB Bleed/MS (30 m x 0,25 mm x 0,25 μm).
    L'analyse est effectuée en programmation de température : 40 °C (1 min), 5 °C/min, 100 °C (6 min). Les températures de l'injecteur, de l'interface et de la source adoptées initialement [Tinj = 270°C; Tligne transfert = 280 °c ; Ttrappe = 180 °C], ont été optimisées pour obtenir la meilleure sensibilité et pour éviter la dégradation du produit. Le mode d'ionisation est l'impact électronique -70 eV et l'acquisition en mode SCAN couvre la gamme de masse 35-400 uma.

    Résultat

    Le chromatogramme GC/MS issu de l'injection de 1000 μl d'espace de tête des débris d'explosion portés à 90°C pendant 30 min, montre l’élution d’un pic au temps de rétention 13,17 min (fig.l). Le spectre de masse de ce produit (fig.2) se caractérise par un ion (M-l) 221 uma et trois fragments 43 [C2H3O]+, 59 [C3H7O]+ et 75 [C3H7O2]+ répondant à la structure moléculaire de cet explosif. A côté du TATP, des traces de DADP sont mises en évidence à 5,80 min; le spectre correspondant est similaire à celui du TATP avec des fragments nettement plus intenses.
    L'injection en GC/MS de vapeurs de TATP synthétisé au laboratoire confirme ces résultats du fait qu'elle aboutit à un pic de temps de rétention (13,17 min) et de spectre de masse similaire. Une optimisation des conditions de travail est alors réalisée pour améliorer la sensibilité de la méthode et pour évaluer le seuil de détection du produit.

    Il a été remarqué une traînée du pic du TATP qui serait due à une dégradation thermique au niveau de l'injecteur . En effet, l'abaissement de la température de l'injecteur de 270°C à 110 °C évite cette dégradation .
    Ce résultat est obtenu pour des injections successives de 1 ml de l'espace de tête d'une solution de 2 mg/I de TATP.
    Par ailleurs, un contrôle rigoureux des températures de la ligne de transfert et de la trappe d’ions, améliore très nettement la sensibilité au TATP puisque l'intensité du signal correspondant est dix fois plus intense (fig.5) lorsqu’une même température de 150°C est adoptée à ces deux zones de chauffage.
    L'optimisation des conditions de travail consistant en un conditionnement de l'échantillon à 90°C pendant 30 min, suivi de l'injection de 1000 μI de l'espace de tête à des températures modérées (Tinj = 110°C; Tligne transfert = 150 °C ; Ttrappe = 150 °C), permet d'atteindre des sensibilités de l'ordre de 0,1 ng de TATP pour un rapport signal sur bruit de 100 .

    CONCLUSION

    Cette étude propose une méthode simple pour la détection rapide du TATP par GC/MS. Le travail en mode espace de tête directement sur des débris d'explosion portés à 90 °C, élimine les étapes fastidieuses de traitement par des solvants organiques. Le temps de rétention de cette molécule en chromatographie gazeuse et sa fragmentation caractéristique en spectrométrie de masse par impact électronique sont suffisants pour l'identifier formellement. Une optimisation des conditions de travail par un choix judicieux de températures modérées pour toutes les zones de chauffage, permet une nette amélioration de la détection du TATP et évite la dégradation thermique du produit. Avec un programme du four ne dépassant pas 100 °C lorsque l'injecteur est fixé à 110°C, la ligne de transfert et la source à 150 °C, des teneurs aussi faibles que 0,1 ng de TATP sont aisément détectées.

     

    La source: La revue de la gendarmerie royale

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